Elle n'est pas notre mère nourricière.
Je considérais autrefois la Terre comme ma mère. Une figure maternelle dont la générosité permettait à ses nombreux enfants de survivre au fil des longues nuits et des changements de saisons. Mais je sais à présent que je me trompais. Car les bienfaits de la Terre ne sont pas gratuits, loin de là.
En retour de ce qu'elle m'a offert au long de ces années, elle a exigé que je lui donne tout ce qui m'était précieux. Tels des voleurs dans la nuit, ses créations les plus terrifiantes — celles qui ont pris forme humaine, mais dont la chair est d'écorces et de ronces — ont lâchement fait irruption dans notre maison. Elles ont tiré les miens de leur lit, les emmenant vers quelque sombre destin dont j'ignore tout.
Leur sort à ce jour m'est inconnu et il semble que même le long baiser de l'immortalité ne puisse me les rendre. Comment une mère pourrait-elle être si cruelle ? Ai-je élevé mes enfants pour que, une fois adultes, je puisse leur arracher tout ce à quoi ils tiennent ? Jamais je ne pourrais imaginer une telle chose !
Je sais à présent que la nature est une sorcière. Un démon dans la nuit. Une chose cruelle et inhumaine qui ne connaît ni l'amour ni la pitié. C'est pourquoi je me battrai jusqu'à mon dernier souffle pour éloigner son emprise du cœur de mes frères et sœurs afin que puissent leur être épargnées la douleur et la nostalgie qui hantent mes rêves et mes pensées éveillées.
- Eva Gowering